1454, 12 novembre. — Moulins.
Charles, duc de Bourbonnais et d'Auvergne, etc., cède la seigneurie de Château-Chinon à Charles de Charolais, fils de Philippe le Bon, en vertu de son mariage avec Isabelle de Bourbon, sa fille. Il rappelle avant cela les longues et infructueuses négociations qui premièrement ont eu lieu, pendant lesquelles la cession de la seigneurie posait problème (voir l'acte du 20 septembre 1454), mais aussi qu'elles n'ont pas empêché la célébration et la consommation du mariage. Charles de Charolais pourra nommer ses officiers dans ladite seigneurie, mais Charles de Bourbon s'y réserve l'ensemble des revenus collectés par ces officiers jusqu'à son décès, et ceux-ci seront tenus de rendre compte devant la Chambre de Moulins ; il délit en outre l'ensemble de ses vassaux château-chinonais de leurs serments de fidélité et promet de faire parvenir à son beau-fils tous les titres et comptes de cette terre. Moyennant ceci, Isabelle de Bourbon renoncera à tous ses droits de succession sur les biens de son père et de sa mère en faveur de ses frères et de leurs héritiers mâles, se réservant pour elle et ses héritiers la possibilité de succéder en cas d'extinction de la maison de Bourbon en ligne masculine2. Philippe le Bon ou le comte de Charolais lui constitueront un douaire de 8000 l. t. de rente avec deux places fortes ; Charles Ier, en cas de mort de son mari, l'autorise de déroger à la coutume générale de France qui impose la communauté de bien entre le mari et la femme, et le paiement des dettes du défunt par le survivant. Si Isabelle meurt sans laisser d'enfant mâle ou femelle légitime, alors la terre de Château-Chinon fera retour au patrimoine de la maison de Bourbon.
A1. Original sur parchemin, signé, jadis scellé. 715 x 465 mm., dont repli 70 mm. Paris, Archives nationales, P 1364/2, n°1322.
A2. Original sur parchemin, signé et scellé du grand sceau équestre en cire rouge sur double queue, endommagé1. 570 x 445 mm., dont repli 70 mm. Paris, Archives nationales, J 251, n°40.
B. Vidimus sur parchemin dans la ratification de Philippe, duc de Bourgogne, datée du 28 novembre suivant, signé et jadis scellé. 740 x 575 mm., dont repli 90 mm. Paris, Archives nationales, P 1364/2, n°1326.
Analyse : Titres de Bourbon, II, p. 313, n°5973.
Texte établi d'après A.1
Charles, duc de Bourbonnois et d'Auvergne, conte de Clermont et de Fourez, seigneur de Beaujeu et de Chastel Chinon, per et chamberier de France, a tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Comme nostre tres chier et honoré frere Phelippe, duc de Bourgoingne et de Brabant, nous ait despieça fait dire et remonstrer que pour entretenir et acroistre les bonnes amistiez et alliances estant entre luy et nous, ses paÿs et subgetz et les nostres, il avoit desir et affection que nostre tres chier et tres amé nepveu Charles, conte de Charroloiz, son filz, eust en mariage nostre tres chiere et tres amee fille Ysabel de Bourbon, moyennant dispensacion sur ce de nostre saint pere le pape, et pour le dot d'icelle nostre fille nous ait fait demander nostre terre et seigneurie de Chastel Chinon pour estre heritaige d'icelle nostre fille et de ses hoirs descendans d'elle en loyal mariage, avecques la somme de cent mille escus d'or pour une foiz, lequel mariage nous ait esté et soit tres agreable, et pour besougner et entendre ou traictié d'icelluy mariage nostredit frere et nous ayons acordé et accepté de convenir ensemble en la ville de Nevers a certain jour passé, auquel se soit transporté et ait esté en sa personne nostredit frere en icelle ville de Nevers, et de nostre part, pour ce que obstant certain empeschement de maladie a nous survenu, n'y avons pu estre en nostre personne, y avons envoyé nostre tres chiere et tres amee compaigne la duchesse et noz tres chiers et bien amez maistre Pierre Buille, nostre chancellier, messire Charles, seigneur de Culant, messire Pierre d'Amboise, chevalier, seigneur de Chaumont, noz cousins, maistre Pierre de Carmonne, president de nostre chambre des comptes, et autres noz conseillers, a laquelle journee furent d'une part et d'autre les ouvertures faictes touchant ledit dot et mariage en la presence de nostredit frere et de nostredicte compaigne, et aprés toutes allegacions et remonstrances, obstant aucunes difficultés mises avant de nostre part au regart de ladicte terre de Chastel Chinon, la chose pour lors ne sorty aucun effect et se departit nostredit frere dudit lieu de Nevers et vint a Disise sur Loire, auquel lieu luy envoyasmes noz lettres donnees en nostre ville de Molins le XXe jour de septembre dernier passé, par lesquelles, en demonstrans le grant desir et affection que avons a la perfection et acomplissement dudit mariage, avons offert pour le dot et mariage de nostredicte fille luy donner la somme de cens et cinquante mille escus d'or pour une foiz, ou, se mieulx plaisoit, les terres et seigneuries a nous advenues par le trespas et succession de nostre tante de Villers, c'est assavoir les villes, chasteaul et seigneurie de Riverieu, le Bois et Rossillon, avec le droit que nous avions sur le treu de la boiste aux Lombars et reve de Mascon, Chalon sur la Saone, Saint Jehan de Laosme et ailleurs ou ledit treu est relevé, qui nous a esté baillé pour la somme de mille livres tournois de rente, et avecques lesdictes terres et rente, la somme de cent mille escus d'or pour une foiz ; et, pour ce que nostredit frere estoit tous diz desirant que baillissions a icelle nostre fille ladicte terre de Chastel Chinon et ne fut point content desdiz offres, nous, pour le desir et affection que avons a l'accomplissement dudit mariage, avons depuis esté content et avons accordé de bailler en dot et mariage a icelle nostre fille ladicte terre et seigneurie de Chastel Chinon par la forme et maniere qu'il est contenu et decleré en une cedule signee de nous et de nostredicte compagne, que nous envoyasmes a nostredit frere, de laquelle cedule la teneur s'en suit : Monseigneur et madame de Bourbon seront contens de bailler leur terre et baronnie de Chastel Chinon en mariage a ma damoyselle Ysabeaul leur fille, en faveur et contemplacion du mariage de monseigneur de Charroloiz et d'elle, et d'en passer lettres telles qui seront advisees par les gens de monseigneur de Bourgoingne et de mondit seigneur de Bourbon, et de promettre la garantir par toutes les voyes et manieres que par leursdiz gens sera advisé, et par lesdictes lettres s'en desmectre descy et desja, et retenu et reservé a luy sa vie durant tous les droiz, prouffiz, esmolumens quelxconques de ladicte seigneurie, et item sera ladicte terre a eulx et aux leurs descendans d'eulx, et tiendront ladicte terre en foy et hommaige du roy et non d'autre, item ledit mariage fait et consommé pourra mondit seigneur de Charroloiz prandre la possession et saisine de ladicte terre de Chastel Chinon et y commectre et establir officiers telz que en tel cas appartient, et lesquelx obeïront et delivreront tous les droiz, prouffiz et esmolumens appartenans a icelle terre et seigneurie a mondit seigneur de Bourbon, et en rendront compte et reliqua par devant les gens de ses comptes a Molins comme a present font ses officiers, et comme plus applain toutes les choses dessusdictes et plusieurs autres servant a ladicte matiere seront estandues et declarees par les lettres qui sur ce seront faictes, et affin que mondit seigneur de Bourgoingne soit assehuré que mondit seigneur et madicte dame de Bourbon soient contens de faire et passer lesdictes choses, ils ont signé ceste presente memoire de leurs mains, en leur chastel de Molins, le cinquiesme jour de novembre, l'an mil CCCC cinquante et quatre. Ainsi signé : Charles, Agnès3. Pendent lesquelles choses sont avenu que ledit mariage, par le bon plaisir de nostre seigneur et moyennant dispensacion de nostredit saint pere, ait esté et soit solempnisé, parfait et consommé, dont avons esté et somme tres erieulx et bien contens. Savoir faisons que, en ensuivant ce que avons accordé en ceste partie, nous, tant en nostre nom comme pour et en nom et nous faisant fort de nostredicte compaigne et de nostre tres chier et tres amé filz Jehan, conte de Clermont, et de nostre tres chier et tres amé fille madame Jehanne de France, sa compaigne, en faveur et contemplacion dudit mariage, avons donné, cedé et transporté, donnons, cedons et transportons perpetuelment en dot et mariage a nostredicte fille Ysabeaul pour estre heritaige d'elle, ses hoirs masles et femelles qui seront nés et ystront d'elle du leal mariage et autres descendans de sesdiz hoirs a tousjours, lez chastel, barronie, terre et seigneurie dudit Chastel Chinon, ensemble et avec les chastellenies de Lorme, de Brassy, Dourou et des places et toutes leurs appartenances quelxconques, en tous droiz et prerogatives et en la forme et maniere que les avonc tenues et possedees, tenons et possedons de present, tant en fiefz, rerefiez, justices haultes, moyennes et basses, ressors et batiz, hommes et femmes, courvees, mainmortes, eaulx, bois et fourestz et tous autres droiz quelxconques, a les tenir en foy et hommaige de monseigneur le roy et non d'autre, pour icelle baronnie, terre et seigneurie de Chastel Chinon avec toutes ses appartenances quelxconques tenir et posseder par lesdiz conte et contesse de Charroloiz et lesdiz hoirs masles et femelles d'icelle nostre fille comme dit est, francz, quittes et deschargés de toutes ypotheques et obligacions, charges et servitutes quelxconques, reservé les charges anciennes et le fief appartenant a monseigneur le roy, et d'iceulx chastel, barronie, terre et seigneurie nous sommes departiz et departons perpetuelment au prouffit de nostredicte fille la contesse de Charroloiz pour elle et lesdiz hoirs et iceulx conte et contesse ou nom d'elle, en avons investuz et investons en leur en baillant la vraye et reelle possession par ces presentes, voulans et consentans que des maintenant nostredit filz le conte de Charroloiz puisse par luy et ses commis prandre et faire prandre et apprehender de son auctorité la reelle et actuelle possession et saisine desdiz chastel, baronnie, terre et seigneurie et appartenances de Chastel Chinon, et de y comectre officiers telz qu'il y appartient et que bon luy semblera, et de recevoir les hommaiges des feaulx et vassaulx, lesquelx, et especialment ceulx qui nous ont fait serement de feaulté et hommaige et les promesses sur ce acoustumees, nous absoillons et quittons de leursdiz serement et promesses, moyennant qu'ilz facent a nostredit filz les seremens et promesses telz que la nature des fiefz le requierent, et a iceulx conte et contesse de Charroloiz noz enfans avons promis et promectons soubz l'obligacion de tous noz biens presens et a venir et de nosdiz hoirs lesdiz chastel, barronie, terre et seigneurie de Chastel Chinon et leursdictes appartenances, conduire, garentir, appaisier, deffendre et faire en paix tenir contre et envers tous, a noz propres fraiz, missions et despens, et de leur bailler et delivrer vidimus fait soubz seel auctentique des lettres principalles du transport d'icelle fait a noz predecesseurs, et, avec ce, de leur bailler toutes reprinses, declaracions et denombremens des choses tenues et mouvans du fief d'icelle barronie, et aussi tous autres tiltres, rentiers, papiers de justice, lettres d'accors et de composicions fetes avec les hommes et habitans et les seigneures voisines d'icelle barronie, ensemble toutes autres lettres et tiltres servans aux droiz d'icelle terre et barronie, sauf et reservé avons nostre vie durant tant seulement les fruiz, prouffiz et esmollumens desdiz chastel, terre et barronie, lesquelx nous prandrons et parcevrons chascun an nostredicte vie durant par la main des officiers desdiz conte et contesse de Charroloiz qui par eulx seront commis et institués en ladicte terre et seigneurie, desduiz et rabatus les gaiges desdiz officiers et autres charges anciennes et acoustumees et dont les officiers de recepte desdiz conte et contesse de Charroloiz cui ce touchera seront tenus de nous obeir et rendre compte desdiz prouffiz et esmolumens nostredite vie durant tant seulement en la chambre de noz comptes a Molinsa, et, moyennant ledit dot, nostredit frere fera et procurera par effect que nostredite fille la contesse de Charroloiz, de l'auctorité de nostredicte filz le conte de Charoloiz son mary, renoncera aux successions de nous, duc et duchesse, au prouffit de noz enfans masles et des hoirs descendans d'iceulx enfans masles en directe ligne, et, parmy ce, nous avons reservé et reservons a nostredicte fille toutes eschoites et successions collateraulx pour y devoir et pouvoir succeder au deffault desdiz enfans masles ses freres et des hoirs masles descendans d'iceulx enfans masles en directe ligne et entendons, moyennant les choses dessusdictes, que nostredicte fille la contesse soit douhee, ou cas que douhaire aura lieu, par nostredit frere et par sondit mary, de la somme de huit mille livres tournois de rente chascun an et de deux maisons et forteresses convenables pour sa demourance, laquelle rente de huit mille livres tournois par luy sera assignee, baillee et delivree audit cas que douhaire aura lieu au plus prez desdictes forteresses, pour d'icelles forteresses et rente joÿr et user par nostredicte fille au cas que douhaire aura lieu, et non comprises icelles forteresses en l'assiecte desdictes huit mille livres tournois de rente, et, moyennant ce, sera icelle nostre fille contente de son douhaire et renoncera a tout autre douhaire qu'elle pourroit cy apres demander, et s'il avenoit que ledit conte nostre filz aille de vie a trespas, que Dieu ne veuille, survivant ladicte contesse nostre fille, nous entendons que icelle nostre fille en ce cas ait et emporte seulement ses robes, joyaulx et habillemens de sa personne franchement et sans ce qu'elle soit tenue de payé aucune chose des debtes d'icelluy nostre filz conte de Charroloiz son mary, et sans ce aussi qu'elle, ne ses hoirs, puissent en quelque cas que ce soit demander, quereler, requerir ou avoir es biens meubles et acquestz d'icelluy nostre filz aucune partie, droit ou porcion en quelque maniere, ja soit ce que en veuille dire que par la coustume general du royaulme de France, le mary et la femme sont communs en biens meubles et acquestz, a laquelle coustume et a toutes autres choses qui seroient contre ces presentes ladicte nostre fille, de nostre auctorité et consentement en tant que mestier est, sera tenue y renuncer, et laquelle nostredicte fille par ces presentes auctorisons en ce cas, et, en oultre, s'il avennoit que nostredicte fille alast de vie a trespassement sans hoirs masles ou femelles descendens d'elle en loyal mariage, ou sesdiz hoirs sans laisser hoirs aussi descendens d'eulx, en ce cas ladicte terre, baronnie, chastel, seigneurie de Chastel Chinon avec sesdictes appartenances ainsi par nous baillees comme dit est, retourneront, reviendront et appartiendront en plain droit a nous ou a nostre heritier principal de nostre maison de Bourbon, et avons promis et promectons en parolle de prince et soubz l'obligacion de tous noz biens et des biens de nosdiz hoirs et successeurs, toutes et singulieres les choses dessusdictes et une chascune d'icelles faire, entretenir, et acomplir de point en point sans aler ne venir au contraire, et icelles et chascunes d'icelles avons promis et promectons soubz l'obligacion que dessus faire ractiffier et consentir par nostredicte compaigne et par noz tres chiers et tres amez filz et fille Jehan, conte de Clermont, et ma dame Jehanne de France sa compaigne, de l'auctorité de nostredit filz et de la nostre en tant que mestier seroit, et dedans Pasques charnelz prouchaines venans, et de ce faire bailler et dedans ledit temps a nostredit frere ou aux gens de ses comptes a Dijon lectres vallables au prouffit desdiz conte et contesse de Charroloiz et autres qu'il appartiendra. En tesmoing de ce, nous avons fait mectre nostre seel a ces presentes. Donné en nostre chastel de Molins, le douziesme jour de novembre, l'an de grace mil CCCC cinquante et quatre. J'aprouve la rature fait cy dessus despuis le mot a Molins jusques au mot et moyenant, laquelle rature est semblablement aprouvee es lettres semblables baillees a monseigneur le duc de Bourgoigne, et icelle rature en la XVIIe ligne finalle. Donné comme dessus. Cadier.
Par monseigneur le duc, madame la duchesse, vous, les seigneur dessus nommés, presidens et autres presens,
(Signé :) Cadier.
1. La légende est détruite. Le corps du cheval et les jambes du cavalier sont toujours visibles. Le contre-sceau est bien conservé, il ne lui manque qu'une section de sa partie supérieure gauche. C'est sur ce sceau que l'empreinte n°456 de la collection Douët-d'Arcq des Paris, Archives nationales fut moulée.
2. Isabelle de Bourbon est l'ainée des filles de Charles Ier et Agnès de Bourgogne au moment de son mariage, sa soeur Marie, duchesse de Calabre, étant décédée en 1448 : Van Kerrebrouck P., La maison…, p. 69. Voir aussi supra, n°81 (3 février 1437).
3. Le registre P 1365/1 des Archives nationales, n°1415, contient une copie sur papier de ce document (195 x 290 mm. ; raturée et non signée). Il est également vidimé dans l'exemplaire B et sa copie (C).
Le document est ici raturé, comme signalé par Guillaume Cadier après la date.
Édition : Jean-Damien Généro .
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