1409, novembre. — Paris.
Louis, duc de Bourbonnais etc., accorde des lettres de rémission à Philippe Gillet et Jean Guérin, bourgeois et habitants de Hérisson, qui avaient volé Julien de Rugnet alors qu'il était mourant en son hôtel.
A. Original perdu, jadis scellé du scel ducal "en las de soye et cire vert", d'après B.
B. Copie insérée dans la sentence d'exécution de la lettre de rémission ducale prononcée par Jean Dent1, secrétaire de Louis II et lieutenant général de Robert de Vendat, chevalier, seigneur de Beauregard, chambellan et conseiller du duc et bailli de Bourbonnais2, en date du 10 avril 1413 (n. st.), lors du 3e jour des assises du bailliage, sentence scellée du sceau du bailliage et signée J. Bardelin. Paris, Archives nationales, P 1376/2, n°2704.
Analyse : Titres de Bourbon, II, n°4810, p. 177.
Indiqué : O. Mattéoni, "Les ducs de Bourbon et la grâce", p. 135n.
Loÿs, duc de Bourbonnois, conte de Fourez et seigneur de Beaujeu, per et chamberer de France. Savoir faisons a tous, presens et advenir, nous avoir receue humble supplicacion des amis charnelx de Phelippes Gilet et Jehan Guerin, tixiers, bourghois et habitans de nostredicte ville de Heriçon3 contenant que, comme envoiron la fin du mois d'aoust darrerement passé, ilz se soient transportez a l'ostel de Julien de Rugnet et de feue Agnes Alabat, jadiz sa femme, pour savoir et veoir se ledit Julien, qui estoit au lit malade, estoit en peril de mort affin d'avoir son eschoiste ou cas qu'il trespasseroit pourtant qu'ilz se dient estre de son lignage et ses plus prouchains heritiers. Et il soit ainsi qu'ilz trouverent ledit Julien en son lit moult malade oudit hostel, et aussi trouverent oudit hostel veuve du Prat et Johanne Raffine qui se disoient estre heritieres de ladicte Agnes Alabat, femme dudit Julien, lesquelles fasoient mectre par inventoire les biens que ladicte Agnes et ledit Julien povoient avoir ensemble, auquel inventoire fait ledit Gilet et Guerin furent prins par le commandement dudit Julien et, icellui fait, lesdictes femmes s'en alerent dudit hostel, laisserent ledit Julien au lit malade. Mais lesdiz Phelipes Gilet et Guerin, cuidans qu'il deust plus tost trespasser que guerir, demourerent costé ledit Julien, icellui servirent et garderent en sondit lit et bien huit jours ou envoiron qu'il leur sembloit qu'il estoit pres que guerir, pendant lequel temps une nommee Phelipe Aubit, qui avoit esté chambariere desdiz Julien et Agnes Alabat, leur dist que ladicte feue Agnes Alabat devoita avoir de l'argent mussé en son cellier car ladicte feue Agnes lui avoit dit qu'elle li avoit mussé, et aussi leur dist un nommé Jehan Canet, varlet dudit Julien, qu'il pensoit bien ou estoit ledit argent. Et pour ce, par la temptacion de l'ennemi, un jour de venredi qui fu en la darreniere sepmaine dudit mois d'aoust darrier passé, l'an mil IIIIC et neuf, lesdiz Phelipes Gilet et Jehan Guerin et ledit varlet Julien s'en alerent audit celier, envoiron tierce de nuit, en esperance de trouver ledit argent, laisserent ledit Julien en son lit bien malade, et de fait ledit varlet Julien, presens lesdiz Gilet et Guerin, avec une besse se prit a chaver la terre dudit celier en plusieurs lieux sur esperance qu'il trouvast ledit argent, et amprés qu'il eust ainsi chavé ne trouva riens et a tant lesdiz Gilet, Guerin et varlet, chascun avec une chandelle alumee, regarderent et sarcherent a l'entour des murs dudit celier pour savoir se ilz porroient riens trouver, lesquelx ne trouverent riens fors que ledit Phelipes Gilet qui trouva en un pertuis dudit mur un petit sachet et une peille4, lesquelx il prit et, incontinant qu'il l'eust pris lui, ledit Guerin et Canet regarderent sans partir dudit celier dedans lesdiz sachet et peille et trouverent qu'il y avoit cinquante escuz, quatre frans, quatre florins d'or, un annel d'argent et un petit denier, lequel argent ilz partirent entre eulx, et a la part dudit Canet advint dix huit escuz, lesdiz annel et denier, et audit Gilet quinze escuz, trois frans et deux florins, et audit Guerin dix et sept escuz, un franc et deux florins, et de fait emporterent ledit or furtivement et a tant se departirent dudit celier, s'en alerent vers ledit Julien qu'ilz avoient laissié au lit malade, et en alant ledit Guerin perdi un de ses diz florins. Et envoiron la Saint Michiel darrerement passee, un nommé Jehan de Culant d'Eriçon dist esdiz Gilet et Guerin qu'ilz avoient eu de l'argent de ladicte feue Agnes Alabat et dudit Julien et les admonesta de le rendre, auquel ilz confesserent le cas en la forme et maniere que dessus, et de fait lui bailla ledit Guerin onze escus et un franc et ledit Gilet lui bailla neuf escuz et trois frans, et disoient audit de Culant, gendre de la dicte veuve du Prat, qui les rendist es heritierz de ladicte Alabat ; et un peu aprés se transporterent lesdiz Gilet et Guerin devers ledit Julien et lui rendirent chascun six escus dont il leur donna un. Et il soit ainsi que, par ledit cas, lesdiz Phelipes Gilet et Guerin aient esté accusés envers justice, et pour ce nostre procureur ait fait prandre leurs biens et le corps dudit Guerin mectre en noz prisons a Heriçon, esquelles il est a grant misere, et ledit Phelipes Gilet pour ledit cas a absenté nostre païs, delaissié sa femme, quatre petis enffens meneurs d'ans, lesquels n'ont de quoy vivre et substanter leur vie. Sur quoy lesdiz supplians nous ont humblement supplié et requis que, actendu ce que dit est et que lesdiz Phelipes et Guerin en tous autres cas ont esté de bonne fame et renommee sans ce que onques mais ilz aient ‹esté› actains ne convaincus d'aucun vilain blasme ou reproche, il nous plaise leur impartir nostre grace pour misericorde. Pour ce est il que nous, ces choses considerees, voulons preferer misericorde a rigueur de justice, de nostre certaine science et grace especial et de nostre auctorité et puissance, esdiz Phelipes Gilet et Jehan Guerin et a chascun d'eulx avons quicté, remis et pardonné, et, par ces presentes, quictons, remectons et pardonnons le cas, crisme, fur et meffait dessus dit avecques toute paine, amende corporelle et criminelle que ilz ont pour occasion de ce encourue envers nous et justice, et en leur mectant le cas criminel en civil, reservons a nous l'amande civile sur eulx selon la faculté de leurs biens a la taxacion de nos subgiez a qui il appartiendra, et avecques ce cassons, revoquons et adnullons tous bans, appeaulx et procex faiz et commanciez a fere contre eulx et a chascun, et les restituons et remectons en leur bonne fame et renommee au païs et ailleurs, et a leurs biens non confisqués, restitucion faicte a partie se faicte n'est civilement tant seulement. Si donnons an mandement par ces presentes a noz bailli de Bourbonnois et chastellain d'Eriçon et a tous noz autres justiciers et officiers presens et avenir ou a leurs lieuxtenans et a chascun d'eulx si comme a lui appartiendra que lesdiz Phelipes Gilet et Jehan Guerin et chascun d'eulx, de nostre presente grace, remission et pardon facent, laissent et souffrent joïr et user plainement, paisiblement et perpetuelment sans les molester, ne empescher, ne souffrir estre molestez ne empescheis orab, ne pour le temps avenir, en corps ne en biens en aucune maniere au contraire, mais leur corps et biens qui pour occasion de ce sont pris leur mectés ou faictes mectre a plaine delivrance. Et affin que ce soit ferme chose et estable a tous jours mais, nous avons fait mectre nostre seel a ces presentes, sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes, et imposons sur ce scillence perpetuel a nostre procureur. Donné a Paris, ou mois de novembre, l'an de grace mil quatre cens et neuf.
Par monseigneur le duc.
(Signé :) De Bar.
1. Jean Dent, secrétaire de Louis II en 1407, est conseiller à la Chambre des comptes de Moulins de 1400 à 1411 au moins (Archives départementales Loire, B 1931, fol. 9 ; B 1958, fol. 66). Il est cité lieutenant général du bailli de Bourbonnais le 20 novembre 1398 (Montluçon, Archives municipales, FF 7) et en avril 1413 (Archives départementales Allier, A 170, fol. 6).
2. Noble bourbonnais, Robinet (ou Robert) de Vendat est chevalier. Il a été valet tranchant de Louis d'Anjou en 1377-1380 (A. Demurger, "Guerre civile et changement du personnel administratif", p. 296). Il participe à la bataille de Roosebeke en 1382 et est dans l'ost ducal pour l'expédition de Guyenne de 1385 (Chronique du bon duc, p. 139, 170 et 172). Il fait partie des "quatre viels chevaliers" retenus par Louis II pour se retirer au couvent des Célestins que le duc fonde à la fin de sa vie (Ibid., p. 293). Il est bailli de Bourbonnais de février 1409 au moins au 14 juin 1414 au moins (O. Troubat, La guerre de Cent Ans, II, p. 752 ; Mémoires pour servir à l'histoire de Dombes..., par Louis Aubret..., II, p. 468). Il fait aussi carrière au service du roi de France dans l'administration royale : il est institué sénéchal de Quercy le 4 mars 1409 – il succède à Guichard d'Urfé – et il le reste jusqu'en 1411 (A. Demurger, "Guerre civile et changement du personnel administratif", p. 296).
3. Hérisson : Allier, ar. Montluçon, c. Huriel.
4. Dans le sens de "pièce", "morceau" : F. Godefroy, Lexique de l'ancien français, p. 383.
écrit devoir.
sic.
Édition : Olivier Mattéoni .
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