1409 (n. st.), 12 février. — Bourbon-l'Archambault.

Louis, duc de Bourbonnais etc., écrit à son "cousin" messire François d'Aubercicourt, son agent auprès du maréchal de Boucicaut, en lui demandant de fournir à ce dernier sa réponse au sujet des navires qu'il veut obtenir des Génois pour entreprendre un voyage sur lequel il ne donne aucune explication, et de lui faire savoir aussi que son fils, le comte de Clermont, est sur le point de partir par la mer pour le royaume de Grenade et qu'il y aurait grande honte à ce qu'il ne le pût le faire faute de navires.


A. Original sur papier, jadis scellé en cire rouge, avec signature autographe du duc, la signature du secrétaire étant déchirée. Au dos est écrit : "A nostre amé et feal cousin messire François d'Aubrichcourt, seigneur de Rochefort". 294 mm x 440 mm. Paris, Archives nationales, P 1378/2, n°3101 bis.

a. Titres de Bourbon, II, n°4783, p. 173-175.


De par le duc de Bourbonnois, conte de Forez et seigneur de Beaujeu.

Nostre amé et feal cousin, nous avons receu voz lettres et celles de nostre tres chier et amé cousin le mareschal de Bouciquaut, gouverneur de Jennes1, auquel nous escrivons en la forme qui s'ensuit :

"Tres chier et amé cousin, par Bertrant Lesgare, porteur de ces presentes, receusmes hier voz lettres par lesquelles nous avez escriptes beaucop de belles et notables paroles et offres dont tres chierement vous mercions mesmement ; car a ceste besongne que nous avons plus a cuer que entreprinse que oncques mais feismes, vous voulez employer de tout vostre cuer et povoir, qui est bien grant, graces a Dieu, a acomplir nostre desir, selon le rescript de certains articles contenus en vozdictes lettres. Et pour vous declarer en brief nostre volenté sur les choses que escripte nous avez, nostre desir et entencion irrevocable est de fere au plaisir de Dieu et acomplir les voyages et entreprinses dont nostre amé et feal messire François d'Aubrichcourt2 vous a parlé, tant pour nostre fait comme pour le fait de nostre tres chier et tres amé filz le conte de Clermont3, quelque grant finance que fere doions pour ceste cause ; toutesvoies, se la chose se peut fournir de galees ja faictes sans fere galees nouvelles, se nous seroit chose plus preste et plus aisee et a moindres frais, et vouldrions bien que ceste voye fust preferee et mise a execucion avant autres voyes ; mais se la besongne ne se povoit mectre sus sans fere nouvel navire, nous avons souverain desir que la chose se face en faisant navire tout nouvel, quoy qu'il nous doye coster car, Dieu aidant, nous contenterons bien tous ses frais et aurons assez de quoy le faire. Si vous prions tres chier et amé cousin, sur toute l'amour qu'avez a nous et sur tout le service et plaisir que jamais fere nous voulez, que a ce besoing qui nous est si a cuer et qui tant touche l'onneur de nous et de nostredit filz, le bien de nostre ame et apaisement de nostre conscience, vous ne nous vueillez aucunement faillir, actendu que oncques mais ne vous employasmes en riens et que c'est le derrain service et secours que jamais entencion que nous faciez, car actendu nostre eage, il n'est pas nostre entente d'entreprandre jamais autre chose, s'il plaist a Dieu que reviengnons dudit voyage ; mais tant fere vueillez pour nous, ainsi que tenons que bien fere le porrez et que nous confions que le ferez, que, tant par vous comme par ceulx de la cité de Jennes, vous nous vueillez secourir dudit navire dont ledit messire François vous a parlé, par la manieree que escript nous avez ou autrement, le plus brief que fere se pourra, car soyez certain que de toute la finance qui par asseurance aura esté promise pour ceste besongne, avec tel prouffit et avantaige que vous verrez que nous doyons fere pour ceste cause, nous contenterons ceulx qui nous auront fait le secours tellement et si tres aggreablement et aux termes qui seront ordonnez que ilz en seront bien content, si qu'ilz s'en loueront de nous ; et pour certain ceulx de Jennes doivent estre bien enclins a nous fere se plaisir, comme bien leur povez remonstrer, car autresfois nous sommes emploiez bien et grandement en leur service et les avons bien paiez et contentez des choses qu'ilz nous presterent, et encores ferons de celles qu'ilz nous presteront, se fere le veulent. Et saichiez pour vray que ce ne fust pour le present afaire qui nous est survenu d'aller presentement a la journee qui le derrain jour de ce mois se doit tenir devers monseigneur le roy a Chartres pour le cas avenu de la mort de feu monseigneur d'Orleans, que Dieux absoille, ou il nous convient aler prestement4, bien accompaigné de grant foison de gens de noz païs et de noz tres chiers cousin et neveuz les contes de la Marche et de Harecourt et le seigneur d'Estouteville et d'autres de nostre sang, car ce touche l'onneur de tout nostre lignage, et d'autre part nous coviendra paier les gens d'armes que nous et nostredit filz menrrons en nostre compaignie esdiz voyages, lesquelles choses nous seront de moult grans fraiz, nous vous eussions presentement envoié grant partie de la finance necessere pour le fait dudit navire et pour l'abillement et armement d'icellui ; mais nous avons mis et mectons par deça telle et si bonne ordonnance es finances et revenues de noz terres et païs, et a l'aide que ilz nous font pour ceste cause, que tout ce qui sera promis et asseuré par dela pour cestuy fait sera bien paié et contenté, comme dit est. Et quant est des lectres dont escript nous avez, nous les vous enverons selon et par la forme du contenu ou memoire que envoié nous avez, ainsi que veoir pourrez par la copie desdictes lettres que vous envoions ci dedans enclos. Si vous prions de rechief que a ce besoing, qui est le plus grant que oncques mais eusmes ne que jamais aurons, ne nous vueillez faillir mais nous vueillez briefment et hastivement escrire ce que fere se pourra par dela sur les choses dessus dictes, affin que se nous ne povons fournir nostre fait par dela nous nous puissions briefment pourveoir autre part, car nous envoyerons nostredit filz par terre, et quant pour nostre fait nous nous pourverrions autre part de navire, ou cas que par dela ne se pourroit fere. Et semblablement nous rescrivez de vostre bon etat, dont moult desirons tousjours oïr bonnes nouvelles, ensemble se chose quelconque voulez que pour vous fere puissions, car nous le ferons volentiers et de cuer. Tres chier et tres amé cousin nostre seigneur, etc.".

Par le contenu desquelles lectres et aussi par un memoire que vous envoions enclos en ces lectres, savoir pourrez nostre volenté et response et entencion sur les choses que escriptes vous avez ; toutesvoyes sur outes autres choses vueillez bien dire et remonstrer audit mareschal que il est ja grant nouvelle de par deça du voyage que nostre tres chier et tres amé filz le conte de Clermont fait en Grenade par mer, et que desja plusieurs se sont disposés d'aler avec nostredit filz par mer soubz esperance dudit voyage, dont seroit tres grant honte et blasme pour nostredit filz se son entreprise se rompoit pour faulte de navire. Nostre amé et feal, rescrivez nous incontinant ce que fere se pourra sur les choses dont vous avons chargé affin de nous pourveoir d'autre part se l'en nous faisoit faulte par dela ; et nostre Seigneur vous ait en sa garde. Escript en nostre chastel de Bourbon5, le XIIe jour de février.

(Signé :) Loÿs.


1. Sur le maréchal Boucicaut, gouverneur de Gênes : D. Lalande, Jean II le Meingre, dit Boucicaut.

2. Membre d'une famille originaire d'Artois, François d'Aubercicourt est chambellan de Louis II. Il apparaît à plusieurs reprises dans ses osts, et il participe à la croisade de Barbarie en 1390 avec le duc, puis accompagne Boucicaut en Orient en 1399 (C. Bozzolo, H. Loyau, La cour amoureuse dite de Charles VI, I, n°202, p. 139). Appelé "cousin" par Louis II, il épouse en 1401 Jeanne Flote, dame de Revel, en Auvergne. À cette occasion, le duc de Bourbon lui donne les châtellenies de Rochefort et de Genzat en Bourbonnais (P. Tiersonnier, Rochefort, châtellenie bourbonnaise, p. 334-365). Un des treize chevaliers de l'ordre de la Dame Blanche à l'Écu vert de Boucicaut, il faisait aussi partie de la Cour amoureuse (C. Bozzolo, H. Loyau, La cour amoureuse dite de Charles VI, I, n°202, p. 139). Il est l'auteur d'une réponse des Cent Ballades(D. Poirion, Le poète et le prince, p. 152). Il a également été chambellan du roi et familier de Louis d'Orléans (É. Gonzalez, Un prince en son Hôtel, p. 51). À la fin du principat de Louis II, Pierre de Nourry le désigne avec l'Hermite de la Faye et Jean de Châteaumorand pour faire un état des finances ducales (Chronique du bon duc, p. 278).

3. Il s'agit de Jean de Clermont, qui devient duc de Bourbon à la mort de Louis II en 1410.

4. L'entrevue de Chartres n'eut lieu finalement que le 9 mars 1409. Le duc de Bourbon y fut bien présent : cf. Chronique du Religieux de Saint-Denis, IV, p. 200-202, et B. Guenée, Un meurtre, une société, p. 219-220.

5. Bourbon-l'Archambault : Allier, ar. Moulins, ch.-l. c.

    Édition : Olivier Mattéoni .

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