1395, 30 décembre. — Paris.
Louis, duc de Bourbonnais etc., désigne Jean Marchant et Jean Gaiget, maîtres de sa Chambre des comptes de Moulins et Gilbert Graulier, avocat en ses pays et duché de Bourbonnais, pour procéder à la prisée et assiette de 8 l. t. de rente promis à l'archevêque de Bourges en vertu de l'accord conclu par Pierre de Norry, lieutenant général du duc, pour mettre fin au procès qui opposait le duc à l'archevêque au sujet de doits que ce dernier prétendait avoir sur les hommes de la châtellenie de Chantelle et en d'autres lieux au pays de Bourbonnais.
A. Original sur parchemin, jadis scellé sur simple queue aujourd'hui déchirée. 320 x 205 mm. Paris, Archives nationales, P 1356/2, n°287.
Analyse : Titres de Bourbon, II, n°4048, p. 80.
Loÿs, duc de Bourbonnois, conte de Clermont et de Fourez, per et chamberier de France, a noz amez et feaulz maistres Jehan Marchant1 et Jehan Gaiget2, maistres de la chambre de noz comptes a Molins, et Gilbert Graulier3, nostre advocat en noz paÿs et duchié de Bourbonnois, salut et dilection. Comme pour eschiver plait et procés et obvier a toute matiere de discorde qui peussent estre meuz entre nous, d'une part, et tres reverent pere en Dieu l'arcevesque de Bourges, d'autre part, pour cause et occasion d'aucuns droiz et comandes que ledit arcevesque pretendoit avoir sur aucuns noz hommes en nostre chastellenie de Chantelle4 et autre part en nostredit païs de Bourbonnois, commis eussions a nostre amé et feal conseiller le sire de Norry, general gouverneur de par nous de nosdiz paÿs, sur ce adviser et eslire voie juste et amiable, lequel nostre conseiller en acomplissant la charge par nous a lui commise en ceste matiere comme dit est ait, ainsi que sceu avons par son rapport traictié pour nous et accordé avecques ledit arcevesque que a icellui arcevesque, tout veu et diligemment consideré pour et en recompensacion desdiz droiz et commandes ferions et serions tenuz faire et bailler du nostre propre huit livres tournois de rente annuele et perpetuele a pranre et percevoir par ledit arcevesque et ses successeurs arcevesques de Bourges et leurs ayans cause doresenavant et a tousjours parmi ce que entierement il se departiroit et du tout en tout renonceroit a touz droiz, usaiges et commandes quiexconques qu'il sur nous, nosdiz hommes et subgiez ont autrement comment que ce feust ou soit pourroit et auroit droit a cause de la temporalité dudit arceveschié requerre ou demander en nostredit païs de Bourbonnois ; au rapport duquel nostre conseiller nous inclinans quant en ceste partie lesdiz traictié et accord ayans aggreables voulans les enteriner de nostre part, confians a plain de voz sens, loiautez et bonnes diligences, mandons et commettons a vous trois ensamble et aux deux de vous que apellez par vous en ceste partie ceulz qui seront a apeller, vous audit arcevesque baillez et delivrez ou a ses commiz a ce de par lui justement et convenablement au plus proffitable pour nous que bonnement faire le pourrez, et par maniere d'assiete de terre de noz possessions, terres ou revenues jucques a la valeur ou estimacion de huit livres tournois de rente annuele pour et en recompensacion des droiz et commandes dessus diz pour en jouïr par ledit arcevesque, ses successeurs arcevesques de Bourges et leurs ayans cause comme de leur propre chose perpetuelment et a tousjours, parmi ce que ledit arcevesque des maintenant renoncera entierement par ses patentes ou autres valables faictes soubz seel authentique par devers vous prinses et retenues et mises en nostredicte chambre des comptes a tous usaiges, commandes et droiz quiexconques qu'il aa cause de la temporalité de sondit arceveschié porroit demander ou avoir droit de pranre en nsotredit paÿs de Bourbonnois comment que ce feust ou soit ne pour ce doresenavant y reclamer aucun droit a lui, a sesdiz successeurs arcevesques de Bourges ou leursdiz ayans cause, et ladicte prisee et assiete de terre que par vous sur ce ainsi sera faicte et baillee de par nous jucques a la valeur ou estimacion de huit livrees de terre annuele et parpetuele come dit est, nous, par ces presentes, promettons avoir aggreable et icelle se se mestier est jouste vostre rapport par noz autres lettres confermer perpetuelment et a tousjours toutes et quanteffoiz que requis en serons ; de ce faire vous donnons povoir et aux deux de vous mandons et dommandons a touz noz justiciers, officiers et subgiez que a vous et aux deux de vous en ce faisant obeïssent et entendent diligemment et vous prestent conseil, confort et aide se mestier est et par vous requis en sont. Donné a Paris, le XXXe jour de decembre, l'an de grace mil CCC IIIIXX et quinze.
Par monseigneur le duc, monseigneur de Norry5, Pierre Desmer6 presens.
(Signé :) Rigaut.
1. Jean Marchant est conseiller de la Chambre des comptes de Moulins depuis 1394, et il l'est encore en mai 1411 (Paris, Archives nationales, P 1360/2, n°845 ; éd. O. Mattéoni, "Les Chambres des comptes de Moulins, Montbrison et Villefranche-en-Beaujolais", p. 86-88). En tant que conseiller des comptes, il participe à plusieurs reprises à la vérification des comptes des officiers de Forez à Montbrison (Archives départementales Loire, B 1917, fol. 22v ; B 1932, fol. 12v). Le 17 décembre 1394, il est désigné lieutnenat général du bailli de Bourbonnais (Paris, Archives nationales, P 1374/2, n°2429). Il est sollicité par Louis II pour régler le différend qui l'oppose à l'archevêque de Bourges au sujet des hommes de plusieurs localités de la châtellenie de Chantelle que l'archevêque revendiquait comme ses hommes en raison de son château de Naves en 1394 et dans les années qui suivent (Paris, Archives nationales, P 1356/2, n°280 ; P 1360/2, n°837). Il est désigné avec l'Hermite de La Faye, le maréchal de Bourbonnais et Jean Gaiget pour prendre possession de la ville et châtellenie de Château-Chinon que Charles VI a octroyée à Louis II en échange des terres de la succession de Mahaut de Saint-Pol (Paris, Archives nationales, P 1357/1, n°341). Il termine sa carrière comme garde des sceaux aux contrats du duché de Bourbon (attesté en 1416 et 1420 : Archives départementales Allier, 1 G 28 ; H 772).
2. Il s'agit en fait de Jean Gaget ou Gaiget, alias Gadet (cf. Moulins, Archives municipales, n°249, fol. 8). Il est notaire et bourgeois de Moulins. Comme secrétaire, il est très actif entre 1392 et 1408 (O. Mattéoni, "Écriture et pouvoir princier", p. 176). Il était aussi attaché à la Chambre des comptes de Bourbonnais. Évoquant les réformes de Pierre de Nourry, la Chronique du bon duc Louis de Bourbon précise que ce dernier retint "en la chambre des comptes ung qui avoit bonne mémoire appelé Gaiget, et qu'il eust ung clerc avec lui, et estoit cellui Gaiget un moult subtil homme, et bon coustumier" (Chronique du bon duc, p. 163). Il est conseiller à la Chambre de Moulins des années 1380 au début des années 1410. Comme d'autres conseillers moulinois, il fit souvent le voyage de Montbrison pour auditionner les comptes des prévôts foréziens (1394, 1397, 1399, 1404 : Archives départementales Loire, B 1917, fol. 22 ; B 1928, fol. 26 ; B 1929, fol. 12 ; B 1933, fol. 9v-10).
3. Originaire de Gannat, Gilbert Graulier est garde des sceaux aux contrats du duché de Bourbonnais (cité le 15 septembre 1392 : Paris, Archives nationales, P 1357/1, n°359) et conseiller du duc (Moulins, Archives municipales, n°247, fol. 21, mai 1406). Il est avocat du duché de Bourbonnais dans les années 1390. Il termine sa carrière comme châtelain de Gannat (jusqu'au 25 février 1442, date à laquelle il est forcé de céder la place en raison de "sa decrepitude et impatience" : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 22299, p. 11).
4. Chantelle : Allier, ar. Moulins, c. Gannat.
5. Originaire du Nivernais, Pierre de Nourry est l'un des principaux conseillers de Louis II. Il est attesté comme conseiller du début de 1360 à 1410. Il occupe la charge de lieutenant général à plusieurs reprises à partir des années 1370 jusqu'à la fin du principat du duc en 1410 (A. Leguai, De la seigneurie à l'État. Le Bourbonnais pendant la guerre de Cent Ans, p. 283-291 ; O. Mattéoni, "Entre fidélité et compétence. Les conseillers du duc Louis II de Bourbon", p. 180 et 183 et suiv.). Il fait l'objet d'un jugement élogieux dans la Chronique du bon duc Louis de Bourbon par Cabaret d'Orville qui vante ses qualités de gestionnaire et de réformateur des finances ducales (Chronique du bon duc, p. 160-164, 275-280). Il était membre de la Cour amoureuse fondée en 1401 par Louis II et le duc de Bourgogne Philippe le Hardi (C. Bozzolo et H. Loyau, La cour amoureuse dite de Charles VI, I, n°201, p. 139).
6. Pierre Desmer est un actif secrétaire de Louis II de 1371 à 1400 (O. Mattéoni, "Écriture et pouvoir princier", p. 151, 155n, 175). Il est cité trésorier général des finances ducales en 1387-1388 (Archives départementales Loire, B 1914). En 1389, il est attesté comme général conseiller sur les finances des aides du roi avant d'être nommé trésorier de France le 2 avril 1390 (G. Dupont-Ferrier, Le personnel de la cour des aides, p. 96, et Id., Le personnel de la cour du Trésor, p. 36-37 ; M. Rey, Les finances royales sous Charles VI, p. 537).
Un a a été omis.
Édition : Olivier Mattéoni .
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