1367 (n. st.), mars. — Souvigny.
Louis, duc de Bourbonnais etc., accorde des lettres de rémission à Maltaille, sire de Bressolles, poursuivi pour pillages dans les paroisses de Bressolles, Yzeure, Toulon, Besson, Coulandon et autres, extorsion de fonds et déni de justice, en considération de ses bons et loyaux services rendus au duc dans la guerre contre les ennemis du royaume.
A. Original sur parchemin, signé, jadis scellé sur lacs de soie. 360 x 460 mm, repli 70 m. Paris, Archives nationales, P 1376/2, n°2707.
Analyse : Titres de Bourbon, I, n°2996, p. 539.
Indiqué : O. Mattéoni, "Les ducs de Bourbon et la grâce", p. 133-134.
Loÿs, duc de Bourbonnois, conte de Clermont, per et chambarier de France, a touz ceulx qui verront ces presentes lettres, salut. Sacheint tuit que, comme notre procureur1 ait longuement persegu et trait en cause notre amé et feaul chevalier messire Maltaille, sire de Breçoles, disenz contre lui que par le temps des guerres et nous estant ostage en Engleterre, ledit chevalier, ses genz, familier et autres ses complices, pour et en nom de lui et de son comandement, avoient pris par maniere de pilhage et de roberie sur plusieurs nos hommes et subgiz de nos villes et parroches de Breçoles2, Yzeure3, Tholon4, Chimilli5, Besson6, Neuviz7, Colendon8 et autres villes et parroches de notre pays et terre de Borbonnois par plusieurs foiz, tant par nuit comme par jour, et sur plusieurs et diverses personnes, blez, vins, beux, vaches, pors, bacons, moutons, chevreauls, poulalle, garnison d'ostel et plusieurs autres biens, tant sur les Quarreauls, les Meniers, les Vernins, les Bosbutins comme sur Pierre de Bar et plusieurs autres, en tres grant valeur et extimacion, en comettent le crime de feurt et de roberie. Item que ledit chevalier, par sa volunté et poissance desordenee, avoit menacé Andrer Dismer de paroles cominables, disenz que il le le diroit quelque part que il le trouveroit se il ne li cuidoit certain tort qu'il li avoit, par lesquelles paroles et menaces convenist par paour de pis avoir que ledit Andrer acourdast a li a la somme de sexante florins d'or et six alnes de drap, laquelle sommes lidiz chevaliers prist et reçust dudit Andrer par maniere de rençon. Item que une joment noyre avoit esté emblee a Perrin Pasturel de Souveigny9 par un vallet qui ycelle mena et retraissi ou fort de Breçoles et la vendi a Guiot Queu, fauconier dudit chevalier, liquelx fauconiers, veant et sachent ledit chevalier, rençona ledit Perrin de troys reaulx d'or avant ce qu'il voulsist rendre ladite joment et, que pis fu, ledit chevalier, qui est ou se dit estre sires justiciers dudit lieu, fist delivrence de ladite joment audit Perrin sanz fere raison et justice sur ce et contre celli qui avoit commis le delit. Pour lesquelx cas et articles concluoit ledit procureur contre ledit chevalier a plusieurs et diverses fins, contre lesquelx cas et articles furent dites et proposees de la partie dudit chevalier par maniere de sauvemenz et ignocences les choses qui s'ensuyvent : premierement, au premier article fesent mencion des pilhages et roberies dessus desclarees, disoit et proposoit ledit chevalier que par le temps des guerres esquelles les enemis du royaume ont esté logiez en plusieurs lieux et forz de notredit pays de Borbonnois, de Berry et d'Auvergne, il convenoit audit chevalier tenir genz par la deffensse et garde de sondit fort et de notre pays, et ycelles genz d'armes au proffit de li et du commun agravez fraiz et mises li convenoit a vitailler ; disoit oultre que par nous ou notre gouverneur de Borbonnois avoit esté fait crier solempnement es lieux acoustumés que toutes manieres de genz retraississent es forz touz vivres de plat pays affin que d'yceulx lesdiz enemis ne se pehussent avitailher, et ou cas que fait ne l'auroient dedanz certain temps par crie ordenee sur ce, il estoient abandonné comme acquis a touz ceulx qui prandre les voudroient, et plus disoit ledit chevalier que ce li avoit esté mandé et commis par nous et par nos lettres confectés soubz notre seel, desquelles il fesoit prompte foy ; pour lesquelles causes et movemenz disoit ledit notre chevalier qu'il prist ou fist prendre et mit a son proffit des biens dessus diz et es lieux et parroches dessus desclarees en certaine extimacion, disenz que le hu li estoit et fere le pooit sanz ochoison de emende, vehu et consideré les choses dessus dites. Item et quant au segont article fesent mencion du fait Andrer Desmer, disoit ledit chevalier que ledit Andrer avoit compris et occuppé du censif tailhable, fié et demayne dudit chevalier dont ledit Andrer ne li vouloit fere restituccion ne recompensacion raisonable jusques a ce que il heurent ensemble paroles contencieuses entre lesquelles pot estre que ledit chevalier, esmehu et corrocié de l'aoccupacion de son heritage, menaça ledit Andrer, mes emprés plusieurs paroles sanz fait ledit Andrer acorda a lui par le conseilh de ses amis a sexante florins d'or et a six aulnes de drap par la cause dessus dite, sanz li fere autre force ne violence par fere ledit acort. Item au tiers et darrer article, disoit ledit chevalier que supposé fust que ledit vallet amenast ladite joment a son fort si n'en sut riens ledit chevalier ne son juge, ne ne venist a leur cognoissance jusques a ce que ledit vallet ot absenté le fort et la justice de Breçoles, mes si tost comme ledit Perrin fist porsiete de sadite joment, il fust recehuz a prove, laquelle prove fete, ladite joment par droit et par jugement li fut mise a pure delivrence, et pour les despens et pastures d'icelle, paia audit Guiot Queu d'acort fait troys reaulx d'or de son gré sanz contraincte. Si disoit ledit chevalier que, vehu les choses pour lui dites et proposees, il estoit en cas de absolucion. Nous adcertes, heu consideracion aus choses dessus dites et a ce que ledit chevalier a soustenu mainz griés, mesaises et dommages en corps et en biens, lui estant pour nous et par notre pays ostage en la main de enemis, lesquelx le tenrent en fers et en prison villayne pour l'espace de dymi an et de plus, considerenz que par le temps de ces presenz guerres comme feauls et layaus subgiz il nous a layaument servi, et ce que il est de bonne vie et honeste conversacion sanz diffame et sanz reproche aucun, ycellui chevalier avons absolt et absolons des cas et deliz dessus desclarés, et li avons quitté, remis et pardonné, quictons, remectons et pardonnons de notre autorité, pleniere poissance et de grace expecial, toute payne et emende criminelle, corporelle et civille que il puet avoir commis et deservi par les causes dessus dites ou aucunes d'icelles, et ycellui avons remis a son païs, a ses biens et a sa bonne fame et renommee, et avons imposé et imposons sur ce a nostre procureur perpetuel silence, sauve le droit de partie a poursuir civillement, et nostre mainmise en ses biens par les causes dessus dictes avons levee et levons au proffit dudit chevalier. Si donnons en mandement a nostre bailli de Borbonnois et a tous autres justiciers et a leur lieutenanz qui a present sont et qui par le temps avenir seront, a un chascun par soy si comme a lui appartiendra, que ledit chevalier facent et sueffrent joïr de notre pesente grace sanz lui molester ne soffrir estre molesté en aucune maniere au contraire. Et affin que les choses dessus dites et chascune d'icelles soient fermes et valables ou temps advenir perdurablement, nous avons fait mectre notre seel en ces presentes lettres de grace qui furent faites et donnes en nostre ville de Souveigny, ou moys de marz, l'an de grace mil troys cenz sexante six.
(Sur le repli, à gauche :) Par monseigneur le duc en son conseil, ouquel estoient monseigneur de prieur de Souvigny10, vous11 et Bichat de Chauvigny12.
(Signé :) J. Baudereu.
1. Le procureur de Louis II est à cette date Huguenin Chauveau. Il est fait mention de son action dans La Chronique du bon duc Loÿs de Bourbon de Cabaret d'Orville. D'après celle-ci, Chauveau aurait rassemblé dans un livre tous les méfaits auxquels les nobles bourbonnais se seraient livrés durant les années où le duc était retenu comme otage en Angleterre. C'est le fameux livre Peloux que Louis II jette au feu sans le regarder. Sur cette scène, Chronique du bon duc, p. 10-12 ; O. Mattéoni, "Portrait du prince idéal et idéologie nobiliaire dans La Chronique du bon duc Loÿs de Bourbon(1429)", p. 20-21, et Id., "Enquêtes, pouvoir princier et contrôle des hommes dans les territoires des ducs de Bourbon (milieu du xive siècle-début du xvie siècle)", p. 397-400.
2. Bressolles : Allier, ar. et c. Moulins.
3. Yzeure : Allier, ar. et c. Moulins.
4. Toulon : Allier, ar. et c. Moulins.
5. Chemilly : Allier, ar. Moulins, c. Souvigny.
6. Besson : Allier, ar. Moulins, c. Souvigny.
7. Neuvy : Allier, ar. et c. Moulins.
8. Coulandon : Allier, ar. et c. Moulins.
9. Souvigny : Allier, ar. Moulins, ch.-l. c.
10. À cette date, le prieur de Souvigny est Bernard de La Tour (cité pour la première fois comme prieur le 18 juin 1366). Il le reste jusqu'en 1377 au plus tard. Issu de la famille des La Tour d'Auvergne, il est l'un des principaux conseillers de Louis II à son retour d'Angleterre. (L. Côte, Histoire du prieuré clunisien de Souvigny, p. 163-164 et 394 ; O. Mattéoni, "Entre fidélité et compétence", p. 186).
11. À cette date le chancelier est Pierre de Giac. À cette date, le chancelier est Pierre de Giac. Cité pour la première fois en 1358, il le demeure jusqu'en 1371 (Paris, Archives nationales, P 1358/2, n°546, P 1359/2, n°744). Il est cité conseiller du duc durant cette période (O. Mattéoni, "Écriture et pouvoir princier", p. 147). Possessionné en Auvergne, licencié en lois, il a d'abord été maître des requête de Jean de France, avant de revenir à son service comme chancelier à partir de 1371. Il reste chancelier du duc de Berry jusqu'en 1383, date à laquelle il est nommé chancelier de France (R. Lacour, Le gouvernement de l'apanage de Jean, duc de Berry, p. 162 et XIV [annexes]).
12. Philippe de Chauvigny (ou Chouvigny), dit Bichat de Nades, est seigneur de Saint-Gérand-de-Vaux. Il est chambellan et conseiller de Louis II (attesté en 1359 et 1362 : Paris, Archives nationales, P 1378/2, n°3066 ; Titres de Bourbon, I, n°2791 et n°2854, p. 487 et 501-502 ; O. Mattéoni, "Entre fidélité et compétence", p. 182 ; Noms féodaux, I, p. 274).
Édition : Olivier Mattéoni .
Consulter la bibliographie — Afficher le XML source de l'acte — Afficher la version pdf de l'acte.