1411, 21 décembre. — Souvigny.
Accord entre Anne Dauphine, duchesse de Bourbonnais etc., et Jean, duc de Bourbonnais, son fils, au sujet de la levée des aides et gabelles dans les pays de Forez et Beaujolais. Elles seront toutes deux levées par la duchesse douairière, qui pourra user de celles du Forez comme elle l'entend, celles de Beaujolais étant au contraire destinées à payer les dettes du feu duc Louis II. Si Anne Dauphine ne parvient pas à percevoir l'une ou l'autre des aides, en Forez comme en Beaujolais, alors Jean Ier sera tenu de la dédommager sur les aides du duché de Bourbonnais.
A. Original sur parchemin, signé. 360 x 310 mm, repli 75 mm. Paris, Archives nationales, P 1378/2, n°3067.
Analyse : Titres de Bourbon, II, p. 185, n°4881.
Anne Daulphine, duchesse de Bourbonnois, contesse de Fourez et dame de Beaujeu, et Jehan, duc de Bourbonnois, conte de Clermont, seigneur de Combraille et de Chastel Chinon, et per de France, a tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Savoir faisons que comme feux monseigneur le duc, que Dieu absoille, mari de nous Anne Daulphine et pere de nous Jehan, duc de Bourbonnois, eust acoustumé de prendre les aides et gabelles esdiz païs de Fourez et Beaujeuloiz, et lesquelx païs, selon les termes d'autres lettres aujourd'uy par nous passees, demeurent a nous Anne Daulphine, appointié a esté que les aides de Fourez seront levees par nous Anne Daulphine, pour icelles employer a nostre proufit, et les aides de Beaujeuloiz seront levees aussi par nous Anne Daulphine, pour les employer en acquit des debtes dudit feux monseigneur Loÿs, et a ce sera aucun commis par nous Anne Daulphine et Jehan pour icelle convertir audit acquit, et si ainsi estoit que nous Anne Daulphine ne penssions percevoir lesdites aides de Beaujeuloiz, neanmoins nous Jehan serons tenus d'acomplir l'acquictement desdiz debtes, et ou cas que nous Anne Daulphine ne pourrions joïr desdictes gabelles de Fourez, en ycellui cas nous Jehan serons tenus d'en faire recompensacion, et recompenserons a nous Anne Daulphine a la vallue d'icelles au païs de Bourbonnois, ou selon le bon vouloir, ordonnance et plaisir de nous, Anne Daulphine, et nous Anne ne prendons aucunes aides et gabelles en Bourbonnois, et oultre voulons que par les pactions et convenances presentes, certaines autres lettres aujourd'uy entre nous passees ne soient en aucune maniere innovees ou corompues, et les choses dessusdictes et chacune d'icelles, nous Anne Daulphine et Jehan, par tant que a un chascun touche et puet appartenir, promectons de tenir et actendre par noz foys et seremens, et sur l'obligacion de tous noz biens presens et a venir, en nous soubmectant a la juridicion, cohercion et contrainte des choses dessusdites. Et affin que ce soit ferme chose et estable, nous avons fait mectre noz seaulx en tesmoing de ce a ces presentes, qui furent donnees et passees a Sovigny1, le XXIe jour de decembre, l'an de grace mil quatre cens et unze.
(Sur le repli, à gauche :) Par madame la duchesse, le conte dauphin d'Auvergne2, messire Françoys d'Aubuchecourt3,) les seigneurs de Chastelmorant4, Montrevel5, les juges6 et procureurs7 de Fourez, le procureur de Bourbonnois8 et plusieurs autres presens,
(Signé :) Chenal.
(Sur le repli, à droite :) Par monseigneur le duc, presens les devant diz.
(Signé :) De la Teillaye.
1. Souvigny : Allier, ar. Moulins, ch.-l. c.
2. Il s'agit de Béraud III dauphin d'Auvergne, comte de Sancerre à partir de 1419.
3. Membre d'une famille originaire d'Artois, François d'Aubercicourt est chambellan de Louis II. Il apparaît à plusieurs reprises dans ses osts, et il participe à la croisade de Barbarie en 1390 avec le duc, puis accompagne Boucicaut en Orient en 1399 (C. Bozzolo, H. Loyau, La cour amoureuse dite de Charles VI, I, n°202, p. 139). Appelé "cousin" par Louis II, il épouse en 1401 Jeanne Flote, dame de Revel, en Auvergne. À cette occasion, le duc de Bourbon lui donne les châtellenies de Rochefort et de Jenzat en Bourbonnais (P. Tiersonnier, Rochefort, châtellenie bourbonnaise, p. 334-365). Un des treize chevaliers de l'ordre de la Dame Blanche à l'Écu vert de Boucicaut, il faisait aussi partie de la Cour amoureuse (C. Bozzolo, H. Loyau, La cour amoureuse dite de Charles VI, I, n°202, p. 139). Il est l'auteur d'une réponse des Cent Ballades (D. Poirion, Le poète et le prince, p. 152). Il a également été chambellan du roi et familier de Louis d'Orléans (É. Gonzalez, Un prince en son Hôtel, p. 51). À la fin du principat de Louis II, Pierre de Nourry le désigne avec l'Hermite de la Faye et Jean de Châteaumorand pour faire un état des finances ducales (Chronique du bon duc, p. 278).
4. Jean de Châteaumorand est connu pour avoir été l'informateur de Cabaret d'Orville pour la rédaction de la Chronique du bon duc Louis de Bourbon qu'il écrit en 1429. Il y apparaît à de très nombreuses reprises (O. Mattéoni, "La seconde vie" de Cabaret d'Orville", p. 5-38). Noble possessionné aux confins du Bourbonnais et du Forez, il a été un fidèle serviteur de Louis II, participant à plusieurs de ses osts (Chronique du bon duc, passim). Il accompagna Boucicaut à Constantinople en 1390 et participa à plusieurs expéditions à Chypre et en Syrie (D. Lalande, Jean II le Meingre dit Boucicaut, p. 84, 114 ; G. Schlumberger, Jean de Châteaumorand, un des principaux héros français des arrière-croisades en Orient). Après la mort de Louis II, il exerça pour le roi la charge de sénéchal de Lyon et bailli de Mâcon du 27 avril au 1er novembre 1411, puis celle de sénéchal de Beaucaire du 8 mars au 24 décembre 1412 (A. Demurger, "Guerre civile et changement de personnel administratif", p. 242-243). Membre de la Cour amoureuse, il fut l'un des treize chevaliers de l'ordre de l'Écu vert à la Dame blanche de Boucicaut (C. Bozzolo, H. Loyau, La cour amoureuse dite de Charles VI, I, n°197, p. 137).
5. Guillaume de Montrevel, dit l'Hermite de La Faye, est possessionné en Bourbonnais et en Auvergne. Proche de Louis II de Bourbon, ce dernier le désigne comme l'un de ses exécuteurs testamentaires en janvier 1409 (Paris, Archives nationales, P 1370/1, n°1878 ; Chronique du bon duc, p. 314). Il est aussi conseiller et chambellan de Charles VI, membre de la cour amoureuse. Il combat à la bataille de Roosebeke. Lieutenant de la sénéchaussée de Beaucaire en 1389-1390, il y exerce comme sénéchal en 1403-1407, 1410-1412 et 1412-1413. Christine de Pizan le mentionne dans son Débat des deux amans (A. Bossuat, "Un ordre de chevalerie auvergnat : l'ordre de la Pomme d'or", p. 11 ; C. Bozzolo et H. Loyau, La cour amoureuse dite de Charles VI, I, p. 140 ; A. Demurger, "Guerre civile et changements du personnel administratif", p. 255 ; Cte de Remacle, "Les l'Hermite de La Faye", p. 191-196).
6. À cette date le juge de Forez est Denis Puy. Il a été institué en l'office le 16 février 1411 (Archives départementales Loire, B 1944, fol. 13v). Il le reste jusqu'à sa mort en 1434 (Abbé F. Renon, Chronique de Notre-Dame d'Espérance de Montbrison, p. 134-135).
7. À cette date le procureur général de Forez est Pierre Faure, Cité en 1399 (Archives départementales Loire, B 1915, fol. 27v ; É. Fournial et J.-P. Gutton, Documents sur les trois états du pays et comté de Forez, p. 162), il l'est encore en mai 1413 (Archives départementales Loire, B 1946, fol. 1).
8. À cette date le procureur général de Bourbonnais est Pierre de Hérisson. Cité le 7 octobre 1396 (Montluçon, Archives municipales, FF 6), il l'est encore le 8 mais 1421 (Moulins, Archives municipales, n°259, fol. 24v).
Édition : Olivier Mattéoni et Jean-Damien Généro .
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