1415 (n. st.), 12 janvier. — Paris (Hôtel de Nesle).

Jean, fils de roi de France, duc de Berry et d'Auvergne, etc., mande aux gens de sa chambre des comptes à Bourges d'autoriser l'inscription en dépense dans le compte, clos au 31 mars 1414, de son trésorier général Macé Héron de 2000 écus à lui donnés par le duc. Les gens des comptes faisaient difficulté au motif qu'une partie du don visait à rembourser au trésorier la somme de 620 écus qu'il avait dépensée pour racheter une croix d'or garnie de pierrerie, offerte par lui au duc à titre d'étrennes pour le jour de l'an 1413, alors que les inventaires des joyaux du duc, conservés en la chambre des comptes, attestaient que la croix, propriété du duc, avait été sur son ordre remise par le garde de ses joyaux, Robinet d'Étampes, aux chapelains, clercs et sommeliers de la chapelle ducale, à titre de gage pour le paiement des rentes dues à eux par le duc. Ce dernier certifie que les membres de la chapelle avaient à leur tour engagé la croix à un marchand, qui leur avait fait avance des sommes attendues, avant que d'être rachetée par le trésorier et remise au duc


A. Original sur parchemin, jadis scellé sur simple queue. 680 x 1016 mm. Bourges, Archives départementales du Cher, 8 G, 1452 [TSC 1450]

edition. Édition en ligne sur le site des Archives départementales du Cher [lien].


Jehan, filz de roy de France, duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poictou, d'Estampes, de Bouloingne et d'Auvergne, a noz amez et feaulx gens de noz comptes a Bourges, salut et dilection.

Nostre amé et feal conseillier et tresorier general Macé Heron1 nous a exposé que, comme nous lui ayons pieça donné la somme de deux mille escuz, tant pour les bons, agreables et notables services et plaisirs qu'il nous avoit lors faiz et faisoit comme pour le recompenser d'une croiz d'or garnie de perrerie qu'il nous avoit donnee a estrainnes le premier jour de l'an mil CCCC et treize2, du pris de six cens et vint escuz, comme par noz lettres sur ce faictes vous est apparu, par vertu desquelles il ait voulu prandre en la despense de son compte finy au darrain jour de mars passé a sa descharge ladicte somme ainsi que faire le povoit, neantmoins vous avez esté reffusans de la passer en sondit compte, disans que vous aviez esté a plain informez par les comptes de noz joyaulx qui sont par devers vous en la chambre de nosdiz comptes ou autrement deuement que ladicte croiz estoit nostre et par nostre ordonnance et mandement avoit esté ja pieça baillee par nostre amé et feal conseillier et garde de nozdiz joyaulx Robinet d'Estampes3 a noz chappellains, clercs et sommeliers de nostre chappelle en gaige pour certaine somme en deductionementa de ce qui deü leur estoit lors a cause de leurs gaiges ou pension qu'ilz prenoient et ont de nous, et par ainsy ne contenoient pas verité nosdictes lettres ne n'en devoit joïr nostredit tresorier, qui sur ce nous a requis nostre gracieuse provision afin qu'il puisse joïr de sondit don,

Pourquoy nous, consideré ce que dit est, voulens vous estre a plain acertenez sur ce, vous certiffions par ces presentes que par nostredicte ordonnance et mandement et pour la cause dessus dicte nostredit conseillier et garde de nosdiz joiaulx bailla ja pieça ladicte croiz a nosdiz chappellains, clercs et sommelliers4 de nostre chappelle, qui pour ladicte somme l'engaigèrent, et pour icelle somme l'avons lessee encourir et consenti que le marchant qui sur ycelle avoit baillé la finance en peust faire et ordonner comme de sa propre chose ; et depuis nostredit tresorier l'achata dudit marchant ledit pris de six cens vint escuz qu'il a paiez de ses deniers et la nous donna ausdictes estrainnes, dont il nous fist tres grant plaisir, et pour ceste cause et autres dessus declairees lui donnasmes ladicte somme de deux mille escuz.

Si voulons et vous mandons que icelle somme vous allouez en sondit compte ou en l'estat5 d'icellui, en rapportant ces presentes tant seulement,

non obstant ce qui par vous avoit esté allegué et quelxconques ordonnances, mandemens ou deffenses au contraire.

Donné à Paris, en nostre hostel de Neelle, le XIIe jour de janvier, l'an de grace mil CCCC et quatorze.

(À gauche :) Par monseigneur le duc.

(Signé :) Faverot6.


1. Macé Héron, trésorier général du duc de Berry depuis 1410.

2. Ces étrennes renvoient à coup sûr aux cadeaux échangés au 1er janvier, jour de l'an neuf, totalement dissocié des « styles » de chancellerie qui gouvernent le changement du millésime tel qu'il est exprimé dans les actes. Mais l'année ici donnée est-elle 1413 ou 1414 (n. st.) ? L'acte, lui, est daté du 12 janvier 1415 (n. st.), et le compte litigieux finissait de son côté au 31 mars 1414 (qui ne peut être que 1414 n. st.). Cela suffit-il pour trancher ? Nous optons pour 1413 en invoquant le caractère très conventionnel des styles de chancellerie.

3. Robinet d'Étampes, anobli en 1404 par Charles VI, garde des joyaux et capitaine de la grosse tour de Bourges, exécuteur testamentaire du duc de Berry en 1416.

4. L'un des sens du mot « sommelier » donné par Godefroy est « conducteur de bêtes de trait, officier chargé des bagages de la cour ». Mais on trouve aussi le mot utilisé pour désigner un officier de l'hôtel chargé de la fourniture et de l'entretien du linge (DMF). Dans le contexte dela Sainte-Chapelle, le terme désigne peut-être les responsables des biens meubles de l'institution.

5. « L'état du compte » désigne un état abrégé, récapitulatif du compte.

6. Guillaume Faverot, secrétaire de la chancellerie du duc de Berry recensé par Lacour en 1413 et 1416.

  1. deduction pourvu d'un tilde final, A.

Édition : Jean-Louis Simon .

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