1417, 3 juillet. — Angers (Château).

Yolande, reine de Jérusalem et de Sicile, duchesse d'Anjou, etc., Jehan, duc de Bretagne, comte de Montfort et de Richemont, et Louis III, duc d'Anjou, fils aîné et héritier universel de Louis II d'Anjou, pour entretenir l'amitié entre leurs deux maisons et accomplir les convenances et promesses mutuelles faites du vivant de Louis II (mort le 29 avril 1417), ayant reçu le consentement du dauphin, concluent un accord pour le mariage de Louis III et d'Isabelle, fille aînée du duc de Bretagne. Pour ce mariage, Jean de Bretagne accorde 100000 francs, dont la moitié sera payée à la célébration, c'est-à-dire au plus tard au douzième anniversaire de sa fille ; l'autre moitié le sera en cinq termes les cinq années suivantes. Dix mille francs constitueront le pur gain du duc d'Anjou, 70000 seront employés en achat de terre pour la mariée, et les 20000 restants en achat de biens meubles. Si Isabelle de Bretagne meurt dans l'année qui suit le mariage, le duc d'Anjou devra restituer tout ce qu'il aura perçu de cette somme. Si le duc de Bretagne n'a pas d'héritier mâle, sa fille lui succédera comme comtesse de Montfort, avec 2500 livres de rentes du roi, ainsi qu'à toute autre terre du duché, réservées les portions dues à ses soeurs, et sans pouvoir lui succéder comme duchesse de Bretagne. Elle héritera également des château et châtellenie de Moncontour1, mais devra en dédommager son actuel seigneur, le seigneur de Châteaubriant ; elle reçoit pour ce faire les terres et château de Courtenay2 et de Plancoët3. Si l'héritier du duché de Bretagne souhaiterait conserver Moncontour, alors il pourrait lui donner deux mille livres de rente à la place. La reine de Sicile et les ducs d'Anjou et de Bretagne s'emploieront à obtenir la somme de 40000 francs promise par le roi de France pour ce mariage. Enfin, Louis III d'Anjou promettra à nouveau de respecter l'accord une fois ses 14 ans révolus.


A1. Original sur parchemin, jadis scellé des trois sceaux de Yolande d'Aragon, de Louis III d'Anjou et de Jean V de Bretagne (12 oculis), signé par le duc de Bretagne sous le repli. 590 x 640 mm. Paris, Archives nationales, P 1334/18A, n°69 [original numérisé].

A2. Original sur parchemin, scellé de trois sceaux en cire verte sur lacs de soie, endommagés. Nantes, Archives départementales Loire-Atlantiques, E 10-1 [original numérisé].


Ou nom de nostre seigneur Jhesu Crist, en l'an de son incarnation mil quatre cens dix sept, le iiime jour du mois de juillet, nous, Yoland, par la grace de Dieu roine de Jherusalem et de Sicile, duchesse d'Anjou, contesse de Prouvence, de Fourcalquier, du Maine et de Pymont, Jehan, duc de Bretaigne, conte de Montfort et de Richemont, et Loys, duc d'Anjou, filz ainsné et heritier universal de feu mon tres redoubté seigneur, prince de noble memoire Loys, second roy des royaumes dessusdiz, auquel Dieu face mercy,

convenans ensemble et assemblez en cestuy chastel d'Angiers, ayans commun desir et parfaite voulenté de tousjours continuer, maintenir et plus accroistre la vraye amitié qui de tous temps a esté entre nostre tres redoubé seigneur, espoux et pere, au temps qu'il vivoit, de nous, Yoland, royne, et Loys, duc d'Anjou, dessusdiz, le roy de Sicile dessus nommé, nous et nous Jehan, duc de Bretaigne, pour laquelle tousjours plus fermer et entretenir au prouffit de nous, noz parents, païs, vassaulx et subgiez, ledit roy de Sicile et nous, Jehan, duc de Bretaigne, despieca eussions ensemble souventes fois traictié et parlé de nous alier, oultre la prouchaineté de lignage en quoy nous entreactenons, par mariage d'aucuns de noz enfans, et, sur ce, fait ensemble aucunes convenances et promesses mutuelles, voulans pour ce nous tous dessusdiz, d'un commun consentement et accort, en ensuyvant le propoz, entencion et voulenté dudit feu seigneur et prince, et pour accomplissement de nostredicte voulenté commune, eu sur ce le bon consentement de nostre tres chier seigneur, filz et frere, monseigneur le daulphin de Viennois, duc de Tourraine et de Berry, et conte de Poittou,

avons traittié, accordé et promis, appellez et presens a ce pluseurs de noz parens et conseilliers, le mariage de nous, Loys, duc d'Anjou, et de nostre tres chiere et tres amee fille et cousine, Ysabel, ainsnee fille de nous, Jehan, duc de Bretagne, selon la fourme, manere, convenance, pactions et accors desclairez en une cedule sur ce faite et par nous, et chacun de nous, accordee, de laquelle cedule la teneur s'en suit :

pour l'accomplissement du traictié du mariage autrefois et a present pourparlé entre monseigneur le duc d'Anjou, etc., et la fille de monseigneur le duc de Bretaigne, ont esté promises et accordees entre la royne de Sicile et monseigneur d'Anjou d'une part, et monseigneur de Bretaigne d'autre, les choses qui s'ensuivent :

et premierement, en faisant le mariage dessusdit, mondit seigneur le duc de Bretaigne donne la somme de cent mil frans, dont il paiera a mondit seigneur d'Anjou la moitié a la solennisacion dudit mariage, qui se fera au plus tart apres l'accomplissement du xiime an de laditte dame incontinent, et, avant icelle solennisacion, donnera seurté de pleiges ou gaiges de terre, d'or ou d'argent, de païer le seurplus par cinq termes en cinq annees ensuivans apres la fin de l'an d'icelle solennisacion, c'est assavoir, par chacun an, dix mil frans, de laquelle somme de cent mil frans mondit seigneur le duc d'Anjou, ledit mariage parfait, aura en pur gaing la somme de dix mil frans, laquelle en nul cas il ne sera tenu restituer, du seurplus d'iceulz cent mil frans seront emploïez les soixante dix mil dernier païez en terre, qui sera heritage de ladicte dame, et le seurplus des cent mil frans, fors les XM frans de gaing, c'est assavoir vingt mil frans, fera le meuble desdiz seigneur et dame, et ou cas que dedens l'an après la consummacion du mariage, ladicte dame yroit de vie a trespassement, monseigneur d'Anjou sera tenu restituer tout ce qu'il aura receu de ladicte somme de cent mil frans, fors qu'il en aura receu ou la terre qui en aura esté acquise, ou, si mieulx le vouloit, le priz qu'elle aura cousté ;

item, aura ladicte dame tel douaire comme la coustume luy donnera sur les terres de mondit seigneur d'Anjou ;

item, en faveur dudit mariage, ledit monseigneur de Bretaigne veult et se consent que ou cas qu'il yroit de vie a trespassement sans hoir masle procree de son corps, ou que sa ligne masle defauldroit, que madicte dame sa fille ait et tiengne les chastel et chastellenie de Moncontour et d'iceulx ait la possession et saisine, desquelz, des a present pour lors, oudit cas, monseigneur de Bretaigne la vest et saisist, et veult qu'elle s'en puisse ensaisiner de son auctorité, sans actendre le consentement de l'eritier dudit duchié de Bretaigne ;

item veult mondit seigneur de Bretaigne qu'elle face, ou cas dessusdit, recompensacion aux enfans de monseigneur de Chasteaubriant, se aucune leur en est deu et que monseigneur de Bretaigne ne les en auroit contentez;

et, en oultre, veult mondit seigneur de Bretaigne que madicte dame sa fille ait ses terres et chasteaux de Courtenay et de Plencouet, tant pour aidier a faire ladicte recompensation, si faite n'avoit esté, que autrement, par ainsi que celluy qui vendroit a la duchié de Bretaigne, s'il vouloit avoir lesdiz chastel et chastellenie de Moncontour, les puisse avoit et recouvrer en baillant avant toute euvre a laditte dame deux mil livres de rente es païs d'Anjou, du Maine, de Poitou, de Tourraine, ou l'un d'iceulx;

et, semblement, veult qu'elle succede ou cas dessusdit en la conté de Montfort, et en deux mil cinq cens livres de rente, que le roy lui fait et est tenu de faire en attendant qu'ilz lui soient assises, et generalement en toutes autres seigneuries, terres, possessions et biens qui oudit cas luy pourront et devront appartenir par droit de succession de mondit seigneur son pere ou duchié de Bretaigne, et ailleurs, sans qu'elle puisse demander le droit ou tiltre d'icellui duchié de Bretaigne, et est reservé aux autres filles de mondit seigneur, se aucune en a a avoir, esdictes terres et succession, et chacune d'icelles, leurs portions telles qui leur pourroit appartenir selon la coustume des païs, excepté ou tiltre dudit duchié, comme dit est ;

item, comme le roy ait autrefois donné a l'euvre dudit mariage la somme de quarante mil frans, pourchaceront et feront pourchacer ladicte dame roine de Sicile et monseigneur d'Anjou, de leur part, et monseigneur de Bretaigne, de la sienne, envers le roy, de faire venir eus la somme dessudicte au prouffit du mariage dessusdit, et le plus tost et diligemment que faire se pourra;

et, sur les choses dessusdictes, seront faites lectres d'une part et d'autre, par lesquelles ladicte dame et lesdiz seigneurs ducz promettront et jureront, ainsi que de parole l'ont juré et promis, faire tenir et accomplir ledit mariage, toutes et chacunes les choses dessus contenues, et non venir encontre;

et, en oultre, jurera et promectra mondit seigneur d'Anjou, jurer et promectre de nouvel ledit mariage et autres choses dessusdictes, en la fourme dessuscontenue, luy venu en son eage de xiiii ans, et tout en la meilleur fourme et maniere que faire se pourra.

Lesquelz traictié de mariage, convenances, pactions et accors dessusdiz, et pour l'accomplissement et enterinement d'iceulx, nous, Yoland, roine, en parole de roine, et Loys, duc d'Anjou, d'une part, et Jehan, duc de Bretaigne, en paroles de princes, pour nous et nostre fille dessusdicte, d'autre, avons solennelment jurez, promis et accordez, jurons, promectons et accordons faire, tenir et accomplir l'un envers l'autre en tant que chacun de nous touche, loyalment, cessans toute fraude et malengin, selon la fourme et teneur de la teneur de la cedule dessusdicte, et de chacune partie d'icelle, sans jamais venir encontre par nous ou par autre, directement ou indirectement, en quelque maniere que ce soit;

et nous, Loys, duc d'Anjou dessusdit, avons juré et promis, en especial jurons et promectons comme dessus, par cesdictes presentes, que, nous venuz en l'accomplissement du xiiiime an de nostre eage, lesdiz mariage, pactions, convenances et accors jurerons, promectrons, ratifierons et approuverons de nouvel, par foy et serement de nostre corps, quant de la part de nostredit cousin et pere requis en serons;

ausquelles choses dessusdictes, et chacune d'icelles, nous, Yoland, roine, Jehan et Loys, ducz dessusdiz, faire, tenir et accomplir entierement, sans venir encontre, comme dit est, avons obligé et obligeons par ces presentes, nous, noz heritiers, successeurs et aïans cause, biens meubles et immeubles, presens et a venir, quelque part qu'ilz soient, renoncans tous ensemble, et chacun en droit foy, a toutes exceptions de fraude, malice et circumvencion, et generalment a toutes et chacunes les choses qui a nous ou a aucun de nous pourroient competer et appartenir, estre dictes, proposees ou alleguees, tant de droit, de fait, que de coustume, contre l'effect et teneur de ces presentes et des choses en icelles contenues, jurees, promises et accordees, par nous et chacun de nous comme dit est ou aucunes d'icelles.

En tesmoing de ce, nous avons fait mecttre noz seaulx a ces presentes, et icelles signer par noz secretaires, l'an, jour et ou lieu dessusdiz.

Et a ce furent presens noz treschiers cousins, frere et conseillers, Richart de Bretaigne, frere de nous, Jehan, duc de Bretaigne, Olivier, conte de Penthevre, et Charles son frere, reverens peres en Dieu les evesques d'Angiers et de Saint Briout, les sires de Porchouet, de la Suze, de Montafilant, Guy de Laval, Guillaume de Meuillon, Henry du Parc, Regnaut et Jehan de Bazoges, chevaliers, Jehan de Malestroit, escuïer, seigneur de Oudon, maistre Jehan Belart, doïen du Mans, Jehan le Bruz, doïen de Nantes, Estienne Fillastre, juge ordinaire d'Anjou et du Maine, Pierre de l'Ospital, Olivier de Chambalon, Jehan Du Puy, et pluseurs autres noz conseillers.

(Signé :) Jehan.

(Sur le repli, à gauche :) Par la royne.

(Signé :) N. Perrigaut.

(Sur le repli, au centre :) Par le duca.

(Signé :) Frefers.

(Sur le repli, à droite :) Par monseigneur le duc.

(Signé :) Bomu.


1. Moncontour, Côtes-d'Armor.

2. Courtenay, Loiret.

3. Plancoët, Côtes-d'Armor.

  1. La mention hors teneur du duc de Bretagne, ainsi que la signature de son secrétaire, sont absentes du deuxième original.

Édition : Jean-Damien Généro .

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