1360, août. — Saumur (Château).

Traité de mariage de Louis Ier, fils de roi de France, comte d'Anjou et du Maine, seigneur de Montpellier, avec Marie de Blois, fille du duc et de la duchesse de Bretagne. Le duc Charles de Blois et la duchesse Jeanne de Penthièvre donnent à leur fille et à ses héritiers les châteaux, châtellenies, villes et terres de Guise, Hirson, Oisy et la châtellenie et terre d'Englancourt2, les châteaux, châtellenies, villes et terres de Mayenne-la-Juhais, "Dernée", Vilame et Pontmain3, le château et châtellenie de Chilly-Mazarin, la ville de Longjumeau, le manoir de Nigeon4, et la terre de "Boulette" et tout ce qu'ils possèdent en Normandie ; tous les seigneurs qui leur devaient foi et hommage pour ces terres le devront dorénanvant à leur fille. Marie de Blois reçoit en outre de ses parents une rente annuelle et perpétuelle de mille cinq cent livres, payable en deux fois à Pâques et Toussaint sur les revenus du pays Nantais. Louis d'Anjou assigne en douaire à sa femme le tiers de ses possessions et lui cède pour ce faire les barronnies, châteaux et châtellenies de Château-du-Loir et La Roche-sur-Yon et, si ce n'est pas possible, le château et la châtellenie de Saumur5. Il promet également d'obtenir du régent Charles, son frère, la restitution du château de Champtoceaux6 au duc et à la duchesse de Bretagne. Louis d'Anjou et Marie de Blois renoncent à demander quoi que ce soit de plus sur les possessions du duc et de la duchesse de Bretagne, sauf s'il arrivait que Marie de Blois soit leur seule héritière. Dans ce dernier cas, Louis d'Anjou écartèlerait ses armes avec celles de Bretagne ; son fils et héritier, après la mort de Marie de Blois, porterait les armes pleines de Bretagne. Si les Anjou devaient accéder au trône de France, alors les barons de Bretagne pourraient élire leur duc parmi les fils de Louis d'Anjou ; si seules des filles seraient issues du mariage, les évêques et barons de Bretagne pourraient décider du mariage de l'aînée.


A. Original sur parchemin, signé par le duc et son secrétaire Olivier, jadis scellé en cire verte sur lacs de soie (d'après a). 620 x 540 mm. Paris, Archives nationales, P 1334/18A, no55 [original numérisé].

B. Copie moderne. Jones ms (ex-Phillipps MS 18465), p. 159-1671.

C. Copie moderne. BnF, Dupuy 635, f. 129.

D. Copie moderne. BnF, ms fr. 2746, f. 58.

a. Dom Morice, Mémoires pour servir de preuves à l'histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, I, Paris, Imprimerie de Charles Osmont, 1742, p. 1534-1537 [ouvrage numérisé].

b. Jones (Michael), Recueil des Actes de Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre : Duc et duchesse de Bretagne (1341-1384). Suivi des Actes de Jeanne de Penthièvre (1364-1384), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1996, p. 194-197, no252 [DOI].


Louis, filz de roy de France, conte d'Anjou et du Maine, seigneur de Montpellier, et nous, Charles, duc de Bretagne, conte de Richemont, viconte de Limoges et sire d'Avaugoz, de Guise et de Maine, et Jehanne duchesse, contesse, vicontesse et dame desdiz lieux, auctorizee suffisament en ce fait et en tout ce qui s'en puet ensuivre, a touz ceulz qui ces presentes lettres verront et orront, salut.

Savoir faisons a touz presenz et a venir que en parlant le trecté du mariage fait et celebré entre nous Loys dessusdit et Marie de Bretagne nostre compaigne fille de nous duc et duchesse devant dit furent faiz, accordez et passez certains contracz, accordances, promesses et convenances en la menere qui s'ensuit :

C'est assavoir que nous duc et duchesse a cause du dit mariage donasmes et ottroyasmes a nostre dicte fille, emancipee de nous duc suffisament, et a ses hoirs, et encore donnons et ottroyons en nom de perpetuele donnoison irrevocable toute la terre, chasteaux, chastelenie et ville de Guise, de Irson et de Oisy et la chasteleneie et terre d'Englecourt et autre pais de la dicte terre de Guise tout entierement sanz riens y retenir et tout en la fourme et maniere que nous la tenons comme vray seigneur de ce par heritage ;

Item, les chasteaux, chastellenies, villes et territoires de Maine la Juhes, Dernee, de Vilame et du Ponmain si comme il s'estendent en lonc et en lé avec leurs droiz et appartenances ;

Item, le chastel et chastellenie de Chailli, la ville de Loncjumel, le manoir ou chastel de Nigeon, et toutes les autres terres et appartenances que nous avons es diz lieux avec les appartenances et droiz de chacun des diz lieux ou ailleurs entour Paris excepté le manoir de Petite Bretaigne avec ses appartenances adjacentes ;

Item, toute la terre de Boulette et ce que nous avons ou devons avoir et tenons a present en Normandie ;

Item, en oultre les choses dessus donnees, nous donnons a nostre dicte fille mil et cinq cenz livres d'annuel rente et perpetuel de telle monnoies comme seront receues a noz propres cenz et droites, rentes enciennes payables a Nantes sur noz receptes et revenues generaulx et particuliers de Nantays tant de monnoye que autrement par la main des receveurs de nous duc et duchesse, que nous obligons a ce avec les dictes receptes et revenues chacun an aux termes de Toussainz et de Pasques par moitié jusques a tant que nous aïons assis et assigné a nostre dicte fille par heritage la somme de mil et cinq cenz livres de rente dessus dites ;

Les quelles choses dessus dictes toutes et chacune conjointement, divisement ensemble et par soy avec touz leurs droiz, nobleces, libertez, franchises, previleges, honeurs, dignitez, justices, jurisdicions, hautes, basses, moyennes, maire et mixte impere, yaues, forestz, bois, estangs, moulins, prez, praieries, pecheries, rivieres, fronz, paluz, pasturez et quelcunques appartenances ensemble o toutes les choses et chacune que nous duc et duchesse avons et avoir pouvons es dictes choses, et es appartenances, et en chacune d'iceles et autres accoustumés a avoir et apercevoir, nous, et chacun tant comme lui puet toucher, transportons, livrons et baillons des maintenant a nostre dicte fille par la teneur de ces lettres avec toute directe et utile seigneurie, touz prouffitz et esmolumenz, proprieté, possession et saisine,

et nous en dessaisissons, desvestons et y renoncons pour nous, noz hoirs et successeurs et ayanz de nous cause universelement sanz jamais riens y demander, et avec ce tous les droiz, les accions, les obligacions a nous appartenanz et competenz contre toutes quelcunque personne en aucune ou par raison d'aucune des choses dessus dictes, nous lui cedons et l'en faisons procureur en sa chose proppre, et voulons que les dessusdiz chasteaux et lieux fors et toutes les autres choses elle puisse par soy ou par autres en entier acuillir et prendre vraye possession et saisine, et que les capitaines, chastellains et autres tenanz les diz lieux, tantost le mariage solempnié, les lui rendent sanz nul delay, et aux seigneurs a qui il appartandra offrir et fere foy et homaige et a touz autres service deuz aux diz seigneurs, et aussi des vassauls, nobles, barons et autres subgez recevoir foiz, homaiges et autres redevances et services en quoy il nous estoient, sont ou devoient estre tenuz sanz plus nous y appeller ne estre en presence ou que il conveigne autrement apparoir des choses dessus dictes ;

et prommettons nous et chacun de nous pour le tout garantir délivrer et deffendre toute les dictes choses et chacune d'icelles a nostre dicte fille franz et delivrer de touz empechemenz vers touz et contre toutes personnes de quelcunque condicion que il soient, et sommes touz acertenez les dictes choses en chacune d'iceles ceder et tourner nottoirement a noz granz prouffit et honeur, et que nostre dicte fille en lui parfornissant les choses et chacune dessus dictes a esté et est et se tient a contente de tout ce que de nous ou de l'un lui puet venir escheoir et appartenir, en oultre ce que dessus est dit, et que elle y a renoncie expresseement sanz jamais riens y demander si non et en cas que la duché de Bretaigne et general succession de nous luy avandroit par droit et par coustume ou que nous ou l'un de nous lui voudrions donner en derraine volenté plus granz choses et autres des choses dessus dictes ;

et nous Loys filz du roy de France dessusdit avons donné et octroyé, donnons, ottroïons et assignons a nostre dicte compaigne par doaire a sa vie ou donnoison pour noces tout entierement la tierce partie de noz dictes contez et autres quelxcunques terres que nous avons a present, arons et avoir pourrons durant le dit mariage selon la coustume des lieux ou sont ou seront sises les choses,

pour le quel et en commancant a asseoir le dit doaire a part separé et devisé des maintenant, nous luy baillons, livrons et asseons premier la baronnie, le chastel et chastellanie du Chastel du Loir, le chastel, ville et chastellanie de la Roche sur Yon avec leurs droiz, libertez, prouffiz et esmolumenz, et toutes appartenances et en oultre au plus pres de prouchein en prouchein a l'un des diz lieux ou au deux sera peracomplie l'assiete dudit doaire jusques a la quantité de la dicte tierce partie

et ou cas que nous ne delivrions et pourrions sauver le dit chastel et chastellanie du Loir et appartenances par doaire, nous voulons que il soient recompensez a egal value sur le chastel et chastellanie de Saumur et au plus pres ;

et promettons faire nostre loyal povoir et pourchacer envers monseigneur et nostre trescher seigneur et frere le regent, que le chastel de Chasteauceaus o sez appartenances soient restituez et renduz a noz chers pere et mere, le duc et duchesse dessusdiz, et que nous ne le tendrons ne approprierons a nous ne a noz hoirs en aucune maniere quelle que elle soit, si n'est de la volenté de nos diz cher pere et mere, le duc et duchesse, sauf toutevoies a nous touz noz drois de souveraineté et seigneurie de fié ou dit chastel et chastellanie comme conte d'Anjou

et avec ce nous Loys, et Marie nostre compaigne dessusdiz a laquelle nous donnons auctorité quant a tout ce fait si mestier est, voulons et consentons que en accomplissant et tenant les choses promises et accordees comme dessus, par ycelles tant seulement estre et se tenir pour contente de tout ce que de nos chers pere et mere, le duc et duchesse dessusdiz, lui pourront eschoir, venir et appartenir sanz jamais aucune chose y demander, et a ce renonciés expresseement, si non et en cas que de leur liberale volenté, voudroient aucune autre chose donner ou que la duché et universal succession de euls ou de léun de euls lui avenoit par droit ou par coustume ;

et nous Loys dessus dit ne voulons estre tenu ne lesser que s'il avenoit la duché de Bretaigne venir et descendre a nostre dicte compaigne, elle vivant, nous lors duc de Bretaigne a cause de elle porterons et ferons tenuz porter noz armes que nous portons a present escartelees avec celles de Bretaigne si par avanture ne venions au royaume que nous fussions roy de France ;

et apres le decés de nostre dicte compaigne ou cas prochain dit, si nous avions un seul filz, il portera les armes plaines de Bretaigne se il ne succedoit au royaume, et se nous avions plussieurs filz et le royaume ne leur venoit, li ainsnez portera les armes plaines de Bretaigne apres le decés de nostre dicte compaigne, ou si le royaume leur venoit, les barons de Bretaigne pourront choisir et eslire un de noz filz puisnez pour estre leur duc, auquel esleu le roy sera tenu de bailler la duché, et portera les armes plaines de Bretaigne lui venu a la duché ;

et se il n'y a que fille, une ou plussieurs, l'ainsnee sera mariee o le conseil assantement des prellaz, evesques et des diz barons de Bretaigne, ou de la plus grande et saine partie d'iceulz, a homme qui portera les armes plaines de Bretaigne aprés le decés de nostre dicte compaigne, et ycelui qui vendrait a la duché, et emporterait les armes, comme dit est, jurera a tenir les franchises et libertés anciennes de la duché ;

Les quelles choses, toutes et chacune ci dessus escriptes nous savons avoir esté promises, accordees et especialement et nommeement chacune clause deduite ou contract et trectié devantdiz par nos diz conseilliers et de par nous aïanz povoir a ce, pour quoy nous de certaine science les louons, approuvons et confermons, et a toutes les choses dessusdictes et chescune d'iceles tenir fermement et loyaument garder, parfaire, enterigner et accomplir de point en point [ena] touz et par touz articles senz enfraindre, rapeller, revoquer, venir ne procurer a venir encontre par nous ne par autres en aucune maniere ou temps a venir, et aux domaiges, coulz, interestz qui pourraient entrevenir et estre souffers et soustenuz par deffaut de tenir, perfaire et accomplir les choses dessusdictes ou aucunes d'iceles, nous Loys dessusdit d'une partie et nous Charles et Jehanne dessusdiz d'autre partie, chacun de nous pour le tout, obligons l'une partie vers l'autre, c'est assavoir chacune partie pour tant et en tant comme a lui touche, et appartient et puet toucher et appartenir, nous, noz hoirs, et touz nos biens moibles et immoibles presenz et a venir des quielx que l'en voudroit eslire tant pour le principal comme pour les domaiges, et renoncions ensemble en tant comme a chacun touche de certaine science quant a tout ce fait et qui ensuivir en pourra a excepcions et allegacions de mal, barat ou decepcion, de inmense ou moins solempnel donacion et aux droiz de benefices de diviser les accions de l'eppitre de divi Adrien et de Velleien, des quielx nous Jehanne et Marie dessusdictes sommes suffisament adcertenees, et a toutes autres raisons de droit, de fait ou de coustume que nous pourrions dire, par quoy ce peust en aucune maniere estre empeché ou retardé ;

et promettons en bonne foy toutes les choses dessus dictes et chacune d'icelles, chacune partie de nous pour tant comme a lui touche, tenir, garder et accomplir senz venir encontre.

Et voulons et nous consentons que cestes lettres a mane fermeté soient seellees avec les nostres du seel de Chastellet de nostre seigneur le roy de France a Paris, et aient vertu, auctorité et mises a execucion se besoing estoit comme chose magee et ariest de parlement en France touteffoiz que l'en le requerra.

En tesmoing des choses dessusdictes, et a ce que elles aient perpeter fermeté, nous, Loys dessus dit, avons fait seellé cestes lettres de nostre grant seel.

Donné et fait en nostre chastel de Saumur ou mois de aoust, l'an de grace mil trois cens soixante.

(Sur le repli, à gauche :) Par le conte en son grant conseil.

(Signé :) Olivier.


1. L'édition a. indique Ce ms, actuellement en la possession de l'auteur contient des notes et copies faites pour ou par Dom Lobineau.

2. Guise, Hirson, Oisy et Englancourt dans l'Aisne.

3. Mayenne (Mayenne ou Maine la Juhel) et Pontmain dans la Mayenne.

4. Chilly-Mazarin et Longjumeau (Essonne). Le manoir de Nigeon se trouvaient dans l'actuel quartier de Chaillot à Paris XVIe.

5. Château-du-Loir (Sarthe), La Roche-sur-Yon (Vendée), Saumur (Maine-et-Loire).

6. Champtoceaux, Maine-et-Loire.

  1. en] lacuna.

Édition : Jean-Damien Généro .

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